La première lecture tirée du Prophète Amos, annonce le jugement que Dieu fera de la complaisance du peuple et de ses dirigeants qui s’installent dans un confort non seulement mal acquis au détriment des pauvres mais également parce qu’ils ne se laissent pas tourmenter par la misère et la souffrance de ces derniers.
Saint Paul nous invite à garder les commandements jusqu’à la manifestation du Seigneur en ces termes. « Toi, homme de Dieu, recherches la justice, la piété, la foi, la charité, la persévérance et la douceur. »
L’évangile nous parle du mauvais riche et du pauvre Lazare. Je voudrais qu’on centre notre réflexion sur le dialogue entre Abraham et le mauvais riche. A la première demande du riche à savoir « Père Abraham, prends pitié de moi et envoie Lazare tremper le bout de son doigt dans l’eau pour me rafraîchir la langue », non seulement Abraham oppose un refus en lui rappelant sa vie terrestre, mais il ajoute qu’un grand abîme a été établi entre vous et nous. En écoutant le récit de la vie des deux, on pourrait se demander : quelle est la vraie faute du riche ? En quoi est-il mauvais ?
Mais s’il est vrai qu’il n’a pas tellement le souci du pauvre qui s’est installé devant chez lui, tout au moins il ne cherche pas à le mettre dehors. Beaucoup agirait ainsi aujourd’hui. Mais, en réalité, ce que Jésus veut nous faire comprendre, ce n’est pas que la richesse soit mauvaise en soi, mais qu’elle risque tellement d’aveugler. En effet s’il est vrai que le riche n’a rien refusé au pauvre étant donné que Lazare n’a rien demandé, il est aussi vrai que, le riche n’a pas vu sa souffrance, il n’a pas su percevoir ses besoins. Il ne le pouvait pas car son confort, sa vie remplie de satisfaction l’a aveuglé. Pire, sa porte verrouillée ne laisse rien passer, même pas les miettes, il était si inaccessible que même si Lazare voulait demander quelque chose ou se nourrir des miettes il ne le pouvait. A travers les verrous de sa porte, il a mis un abîme entre lui et l’extérieur où se trouvait Lazare.
Si à ce point on se convainc du mal de ce riche, il convient maintenant qu’on s’interroge sur l’identité de ce riche pour mieux percevoir l’intention de Luc. On constate que contrairement au pauvre nommé Lazare ce qui signifie Dieu aide, Dieu a secouru, l’homme riche est sans nom, anonyme. Le silence sur le nom du riche dit beaucoup. En fait il désigne d’une manière ou d’une autre chacun de nous. De plusieurs manières on ne cesse de créer des abîmes entre nous. L’arrogance de notre extravagance, nos catégorisations trop exclusives, nos langages, nos comportements, nos obstinations dans le mal, nos refus de pardon pour ne citer que ceux-là, ne sont-ils pas des abîmes que nous créons souvent et qui nous séparent des autres d’une certaine manière ?
On comprend alors que la dernière réponse d’Abraham est un avertissement adressé à chacun de nous, pour nous inviter à éliminer dès ici-bas ces abîmes avant que ce ne soit tard.
Et ce n’est pas la peine d’attendre un miracle pour bouger :
– « Je te prie d’envoyer Lazare dans la maison de mon père pour prévenir mes 5 frères… Si quelqu’un vient de chez les morts pour les avertir, ils se convertiront. »
– « Non, dit Abraham. S’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes, même avec un miracle, ils ne bougeront pas ». Un miracle, serait moins fort que Moïse et les Prophètes !
Ils ont Moïse et les Prophètes… et nous, nous avons l’Évangile. Un miracle, c’est moins fort que l’Évangile. Pourquoi attendre un miracle ? C’est l’Évangile et son invitation à partager qui appellent à changer de vie. Et quand on lit bien l’Évangile, il nous secoue encore plus fortement que quelqu’un qui ressusciterait des morts. Car l’Évangile nous dit : Celui qui n’a pas vu le pauvre, la distance qu’il a mise entre le pauvre et lui, c’est entre Dieu et lui qu’il l’a établie.
En somme, Luc nous appelle à la conversion sans attendre ! C’est maintenant que nous sommes appelés à ouvrir nos oreilles et notre porte à la Parole. L’au-delà, c’est déjà maintenant !
Patrice DOSSOUMOU, SMA