HOMELIE DU CINQUIEME DIMANCHE DU TEMPS DE CARÊME, C
Avec notre premier de cordée
« Une seule chose compte : oubliant tout ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus » (Ph 3, 13b-14). Ces mots de St Paul trouvent leur visuel dans l’exercice de la cordée : il s’agit d’un groupe d’alpinistes attachés les uns aux autres pour faire l’ascension vers le sommet sur lequel se trouve généralement une croix. Dans cet exercice, alors que se déploie la fraternité à laquelle nous sommes aussi invités ce dimanche, se dégage une tête d’équipe : le premier de cordée. C’est celui qui est en avant, qui s’assure qu’il y a une stabilité dans le groupe et que chacun des équipiers à assez de corde pour rester en lien avec les autres. C’est aussi celui qui trace le chemin, celui dont on apprend de l’expérience et finalement c’est celui qui volontiers, prête sa main à un coéquipier qui a du mal à monter plus haut.
Nous apprenons avec St Paul que notre premier de cordée, c’est le Christ. Pour Paul, l’objectif, « c’est de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa passion en devenant semblable à lui dans sa mort, avec l’espoir de parvenir à la résurrection d’entre les morts ». La nouvelle vie que nous menons à la suite du Christ doit nous emmener, comme si nous étions greffés à lui ou attachés à lui, à prendre le même chemin que lui. Suivre le Christ dans cette ascension, c’est accepter de prendre les mêmes risques que lui. Aujourd’hui, il en prend deux : l’annonce de la miséricorde et de la persévérance.
Dans le procès que l’évangile du jour nous raconte, les scribes et pharisiens venaient de prendre en flagrant délit une femme adultère qu’ils emmènent à Jésus. La loi juive prévoyait la peine capitale dans un tel cas. Toutefois, ils savaient aussi bien que la loi prévoyait cette peine capitale pour les deux accusés : l’homme aussi bien que la femme. Où était-il ? Personne n’en parlera. Ce simulacre de procès était bien pour tendre un piège à Jésus. S’il plaide au nom de la femme, il sera accusé d’invitation à aller contre la loi de Moïse. S’il la laisse être lapidée, il irait contre le message de compassion qu’il a toujours prêché. Il ne répond donc pas tout de suite. Dans le respect des uns et des autres, il fait un grand silence. Un silence qui invite tout le monde à faire un chemin pour découvrir le vrai visage du Dieu de miséricorde. Quand il relève la tête, il leur dit seulement : « celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre ». Alors ils avaient compris eux-mêmes, combien ils étaient lourds de leurs propres péchés et combien de fois ils avaient fait l’expérience de la miséricorde de Dieu. Jésus leur fit comprendre que le vrai Dieu n’est pas un Dieu de la rigidité de la loi et d’un jugement sans pitié, mais le Dieu de la miséricorde.
Ainsi s’ouvre le face à face entre Jésus et la femme, le face à face de la misère et de la miséricorde comme le dirait Saint Augustin. Il lui dit alors : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus ». Le prophète Isaïe l’avait déjà dit de notre premier de cordée : « Il ne brisera point le roseau cassé, Et il n’éteindra point la mèche qui brûle encore; Il annoncera la justice selon la vérité » (Is 42,3) . Saint Jean lui aussi le dira au début de son évangile : « Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3,17). Par sa miséricorde, Jésus redonne espérance et vie.
Il accomplit ainsi ce que nous avons entendu dans la première lecture : « Ne faites plus mémoire des événements passés, ne songez plus aux choses d’autrefois. Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ? ».
Que l’expérience de la miséricorde de Dieu que chacun de nous fait, nous aide à être à l’image de notre premier de cordée pour ne pas juger nos frères et sœurs mais plutôt à leur tendre une main de miséricorde qui conduit notre fraternité en marche vers Pâques.
Jacob Schiméa Senou, SMA