16 septembre 2023

Grégoire AHONGBONON, l’ami des malades mentaux est à Rome

Un homme, simple, de petite stature, pour qui le poids de l’âge commence à se faire sentir mais il est toujours aussi vivant, toujours aussi passionné, et toujours aussi affairé : Il est à Rome pour plusieurs rencontres dont une conférence à San Egidio. La Nocetta, où il réside pour la circonstance, connait des va et vient de
personnes qu’il rencontre les unes après les autres. Il s’agit de Grégoire AHONGBONON, l’ami des malades mentaux.
C’est la première fois que je rencontre cet homme dont j’ai tant entendu parler. Et l’on ne peut qu’être captivé par son zèle. 

Dans son emploi du temps chargé, nous arrivons à lui arracher quelques mots. Il nous parle de son projet actuel à Dassa Zoumè (République du Bénin). Un centre d’accueil pour les toxicomanes, mais les toxicomanes développant la maladie mentale, précise-t-il. Pourquoi un centre d’accueil particulier pour ce groupe de personnes alors qu’il existe déjà un petit nombre de centres d’accueil pour les malades mentaux.

Notons que Grégoire avec le groupe Saint Camille compte 11 centres de soins et d’hospitalisation, répartis sur quatre pays : le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Togo. Pour Grégoire, la raison d’un centre d’accueil particulier pour les toxicomanes à Dassa Zoumè est claire : non seulement parmi les malades mentaux qui se retrouvent dans ces centres, nombreux sont ceux qui de plus en plus souffrent de toxicomanie, la drogue ayant pris une allure terrible dans nos pays d’Afrique ; mais plus encore, la gestion de ce groupe de personnes avec l’ensemble des autres malades est plus difficile. Il existe le risque d’entraîner ou d’initier les autres malades à la toxicomanie ; d’où la nécessité d’un centre particulier pour ces derniers.

Le centre en construction servira à accueillir pas moins de 200 personnes. Voilà l’objectif actuel de Grégoire. Il veut donner une attention particulière à ces personnes toxicomanes souffrant de maladie mentale que la société regarde comme des bons à rien, des gens perdus. « Pour Dieu » dit-il « aucune personne n’est perdue. Beaucoup de ces personnes que nous voyons dans la rue, nues, abandonnées peuvent retrouver la vie ; beaucoup sont capables de se reconstruire. La preuve est que beaucoup de ces malades sont aujourd’hui guéris et ce sont eux qui s’occupent des autres malades. Nous avons donc une responsabilité vis-à-vis de ces personnes ».

Pour lui, renchérit-il, « si l’Église ne fait rien pour ces personnes, ce ne sont pas les autorités locales qui le feront. C’est le dernier de leur souci. Ces personnes ne sont pas nées malades, elles sont nées comme tout homme et leur désir est de vivre comme tout le monde. » La joie pour lui c’est de voir ces personnes guérir, se rétablir.

Cela cependant n’est pas sans difficulté. L’une des difficultés majeures, c’est le manque de soutien véritable. « Tout le monde t’applaudit, te félicite » dit-il, « mais, ça s’arrête là. Et la chose la plus pénible, c’est que même au niveau des organismes internationaux personne ne s’intéresse aux malades mentaux. Quand vous montez un dossier et le dirigez vers les organismes internationaux, ils vous disent si c’était les enfants de la rue, si c’était les mineurs, si c’était le sida… on pourrait faire quelque chose, mais pour les malades mentaux nous n’avons pas de projets. C’est ça le véritable problème. Mais je dis toujours, il faut faire confiance à Dieu. Dieu a toujours ce qu’il faut pour s’occuper de ses pauvres. Il y a eu des hommes et des femmes qui ont fait confiance à la providence, qui ont fait des choses extraordinaires qui demeurent une histoire. Mais Dieu n’est pas une histoire. Si des hommes et des femmes lui ont fait confiance, ce n’est pas aujourd’hui qu’Il va nous abandonner. J’ai confiance, Je n’ai pas peur ».

Grégoire s’occupe depuis plus de 30 ans de personnes qui souffrent de maladies psychiatriques au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Togo et dans d’autres pays voisins. Les “oubliés des oubliés”, comme il les appelle.

Il mène le combat d’une vie : depuis 30 ans, il se bat pour rendre leur dignité à  ces hommes et à  ces femmes.

Brice Ulrich AFFERI