A travers l’évangile que nous venons d’entendre, le Christ nous invite dans la première partie à vivre une foi confiante et dans la seconde à servir avec humilité. Ce sont deux messages clairs qui sont donnés par Jésus dans ces extraits de sa prédication. Remarquons que ces deux attitudes préconisées ici, la foi confiante et le service humble, ne vont pas de soi. Dans les deux cas, elles perturbent nos habitudes et nous provoquent. Examinons les l’un après l’autre.
Commençons par la foi confiante.
Les paroles de Jésus sont bien connues : « Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici ‘Déracine-toi et va te planter dans la mer’ et il vous aurait obéi ». J’ai entendu des gens qui prétendaient mettre cela en pratique en demandant au Seigneur n’importe quoi sans discernement. D’autres posent des actes qui mettent le Seigneur à l’épreuve j’en veux pour preuve l’expérience de deux prédicateurs dont un décide de marcher sur l’eau pour traverser un fleuve et l’autre se plante devant le lion affamé pour prêcher à ses fidèles. Tous deux voulaient manifester la puissance de Dieu. Tout comme moi, vous ne serez pas surpris d’apprendre que les deux ont péri. Il urge donc de chercher à comprendre ce à quoi Jésus nous invite réellement à travers ces paroles.
Quand je poursuis ma réflexion, je me dis que Jésus ne souhaite sûrement pas une foi magique comme celle des gens dont je viens de parler, une foi qui ferait de nous des thaumaturges.
Ce genre de foi a été dénoncé dans l’Ancien Testament. C’est ce genre de foi qui a amené le peuple hébreu à se créer des idoles et à délaisser l’Alliance avec Dieu pour se complaire dans ses aspirations de pouvoir et de puissance au lieu de se laisser habiter par la présence de son Dieu, le Dieu de l’Alliance avec Abraham, Isaac et Jacob, prêché par les prophètes dont le dernier est Jean-Baptiste qui annonce la venue de Jésus qui renouvellera l’Alliance ancienne par une Nouvelle Alliance dans sa mort et sa résurrection.
Vous voyez que tout au cours de l’histoire du salut, la foi confiante se vit dans une relation personnelle avec Dieu, elle n’est pas une foi magique ou intéressée. Elle exprime ses demandes et ses désirs bien sûr, mais ce qui la caractérise c’est son ouverture à la volonté de Dieu comme nous l’enseigne la prière de Jésus le Jeudi saint. En sommes ils correspondent finalement aux demandes et aux désirs de Dieu. C’est dans ce sens qu’Habacuc nous dit dans la première lecture que “Le juste vivra par sa fidélité.”
On comprend dès lors que Jésus dise de ne pas avoir peur de demander, de développer notre foi car en la développant elle nous fait entrer dans l’intimité de Dieu. Elle ouvre un espace, un monde où tout est possible, bien au-delà de ce que l’on peut imaginer avec nos réflexes humains. A cet effet Saint Paul nous rappelle que “Ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donnés, mais un esprit de force, de raison et d’amour. »
C’est donc le monde du mystère de l’amour de Dieu pour l’humanité, pour chacun et chacune d’entre nous quelles que soit nos limites et nos faiblesses. Ce mouvement de l’amour de Dieu vers nous se nomme l’amour-agapè. C’est l’amour qui est en Dieu répandu dans nos cœurs et partagé avec nos frères et sœurs dans le « aimez-vous les uns les autres ».
La foi confiante ne peut se séparer de l’amour. Une foi sans amour est une foi morte. Elle dépérit. L’amour est la mesure de la foi. Si on a ce genre de foi, oui alors! Tout devient possible, car tout est possible à l’amour. Une foi même minuscule accomplit sur le plan spirituel des choses incomparables.
Passons maintenant à la seconde attitude demandée par Jésus : l’humilité dans le service. Ici comme dans plusieurs autres épisodes, le récit de Luc est déroutant, démodé et frise une pratique esclavagiste révolue où les positions de chacun, maître comme serviteurs sont figées et inchangeables. Mais essayons d’entendre ces paroles non plus dans le contexte des usages du temps, mais dans le contexte de la vie de l’Église et voyons le message que Jésus véhicule.
Appliquée à l’Église, ces paroles lui rappellent que le corps du Christ qu’elle constitue reste toujours dépendant de sa tête qu’est le Christ, lui qui l’anime et la fait vivre en Serviteur parfait. Ainsi, elle sera, elle aussi, toujours en service et au service de toute l’humanité et elle se rappellera que ce service n’est pas le sien, que c’est le service que Dieu lui-même donne en son Fils Jésus qui vient pour sauver toute l’humanité.
Comme membres de l’Église nous sommes invités alors à reconnaître que nous sommes interchangeables, pas nécessaires, inutiles non pas par manque de talent, mais inutiles parce que nous passons et que d’autres viendront. Nous sommes devant Dieu totalement dépendants de Lui sans droits spéciaux que nous pourrions revendiquer. C’est donc ici une invitation à l’humilité qu’adresse Jésus à tous ses disciples en présentant cette scène du maître et des serviteurs.
Que notre prière aujourd’hui soit une prière désintéressée qui nous centre sur le Seigneur, car comme le dit saint Paul aux chrétiens de Philippes : « c’est Dieu qui agit pour produire en vous la volonté et l’action, selon son projet bienveillant » (Philippiens 2, 13). Oui, Seigneur, augmente en nous la foi et fais de nous des serviteurs et des servantes humbles dans l’exercice de leurs dons et charismes au service de l’Église.
Patrice DOSSOUMOU, SMA