La République Démocratique du Congo (RDC) a eu la grâce d’accueillir sur le sol de ses ancêtres la visite de sa sainteté le pape François. La dernière visite du souverain Pontife en RDC fut celle du pape saint Jean-Paul II en 1985 ; cela fait 38 ans. Cette visite a lieu dans un contexte de crise : conflits armés à l’Est du pays, tentatives de balkanisation du pays, crise économique et misère sociale exécrable. Cette crise est multiforme, persistante et ahurissante, Aussi le pape François est venu en RDC, dit-il, comme pèlerin de réconciliation et de paix.
Dépassant ainsi le spectre de l’insécurité généralisée et des violences imprévisibles, pendant trois jours consécutifs, du mardi 31 janvier au vendredi 03 février 2023, il est venu témoigner et exprimer, sa proximité et son affection à un peuple qui, depuis des décennies, peine à s’autodéterminer ; ce peuple est meurtri, exploité, déshumanisé et oublié à cause de la richesse inimaginable de son sol et de son sous-sol.
Grâce aux trois discours solennels et à l’homélie du 01 février 2023 de sa sainteté, le peuple congolais a senti et compris qu’il n’est pas seul dans sa longue lutte pour sauvegarder sa propre dignité et l’intégrité de ses frontières nationales.
Aux autorités internationales
Dans son premier discours du 31 janvier 2023 prononcé devant les Autorités congolaises, les représentants de la société civile et le Corps Diplomatique au Palais de la Nation, le saint Père a reconnu que la RDC « continue de subir à l’intérieur de ses frontières des conflits et des migrations forcées, et à souffrir de terribles formes d’exploitation, indignes de l’homme et de la création ». Le pape François a une claire vision de l’origine de ces maux alliée à un souci paternel d’un Congo réconcilié et pacifié, Il s’est adressé alors sans ambages à la communauté internationale et surtout aux multinationales, dénonçant le colonialisme politique et économique, en ces termes : « Retirez vos mains de la République Démocratique du Congo, retirez vos mains de l’Afrique ! Cessez d’étouffer l’Afrique : elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser ». Par ces mots, le Souverain Pontife est perçu en RDC comme le Défenseur d’un peuple et d’un continent exploité, pillé, humilié et oublié par l’histoire. Il s’est fait la voix des sans voix, et a publiquement rendu justice à l’Afrique pour les quatre siècles de violences géopolitiques qu’elle a connues, à savoir, la traite négrière, l’esclavage, le colonialisme et l’impérialisme, ce que les grandes puissances tentent d’effacer.
Aux autorités congolaises
Le pape François s’est adressé aux Autorités congolaises en faisant recours à l’analogie du diamant et en partant des données géographiques et sociologiques de cet immense pays. Il leur a rappelé la richesse du pluralisme typique et le caractère polyédrique de la RDC, il les a aussi invités à conserver la richesse du pluralisme culturel et surtout d’éviter « de glisser dans le tribalisme et la confrontation ». De plus, ayant la connaissant de la gestion de la chose publique congolaise, le saint Père est encore allé plus loin, comme prophète, en dénonçant le scandale de la « tribalisation » des institutions de la République et de l’enrichissement illicite égoïste ; il s’est exprimé en ces termes : « Prendre obstinément parti pour sa propre ethnie ou pour des intérêts particuliers, alimentant des spirales de haine et de violence, tourne au détriment de tous en bloquant la nécessaire ‘’chimie de l’ensemble’’ ». Contre ces pratiques qui engendrent les luttes interminables des classes et le cercle infernal des violences, le pape a invité la classe politique congolaise à s’approprier ce proverbe bantu : « Bintu bantu ». Il souligne que la vraie richesse c’est avant tout les personnes humaines et les bonnes relations. Notre sol et notre sous-sol regorgeant de richesses occasionnent en RDC un scandale géologique, certes, mais le scandale est bien plus large. C’est pourquoi il a exhorté les gouvernants congolais à se mettre au service de la nation congolaise : « Le pouvoir n’a de sens en effet que s’il devient service. Combien il est important d’agir dans cet esprit, en fuyant l’autoritarisme, la recherche de gains faciles et la soif d’argent que l’apôtre Paul désigne comme ‘’la racine de tous les maux’’ (1 Tm 6,10) ». Et puisque 2023 est une année électorale, le saint Père les a aussi invités à favoriser des élections libres, transparentes, crédibles et inclusives.
Aux jeunes et aux catéchistes
Dans la même perspective, en regardant les jeunes et les catéchistes réunis au stade des Martyrs le jeudi 02 février et en leur exprimant sa gratitude pour leur affection, le saint Père les a invités à regarder le don de la vie que Dieu a mis dans leurs mains : « Mes amis, disait-il, Dieu a mis entre vos mains le don de la vie, l’avenir de la société et de ce grand pays ». Ces mains, poursuivait le saint Père, ont pour rôle de construire et non de détruire, de donner et non d’amasser, d’aimer et non de haïr. Aux jeunes et aux catéchistes il a ainsi prodigué cinq conseils, comme un testament, à associer aux doigts d’une main :
– le sens de la prière qui fait palpiter la vie, correspondant au pouce puisque proche du cœur ;
– le sens de l’autre (communauté), correspondant à l’index qui sert à montrer quelque chose ;
– la qualité de l’honnêteté, correspondant au doigt central qui s’élève au-dessus des autres pour nous rappeler une chose indispensable ;
– la place du pardon, correspondant à l’annulaire, le doigt le plus faible ;
– le sens du service, correspondant au dernier doigt qui est le plus petit de tous les doigts. C’est en servant les autres que l’on se fait petit. Avec ces cinq conseils, le Pape François a invité la jeunesse congolaise à « établir des priorités parmi toutes les rumeurs attrayantes qui circulent » et créent le désordre et les conflits intracommunautaires.
Aux consacrés
Enfin, en s’adressant aux prêtres, aux diacres, aux personnes consacrées et aux séminaristes réunis le 02 février 2023 à la Cathédrale Notre Dame du Congo, à l’occasion de la Présentation du Seigneur, le saint Père a souligné la centralité de Jésus Christ dans notre vie : « En mettant Jésus au centre, le regard sur la vie change et, malgré les souffrances et les peines intérieures, nous nous sentons enveloppés de sa lumière, consolés par son Esprit, encouragés par sa Parole, soutenus par son amour ».
Au regard de la situation dramatique que connait la RDC, le pape François a rappelé aux prêtres, diacres, consacrés et séminaristes ce qu’ils sont, serviteurs de Dieu : « à travers vous, le Seigneur veut aujourd’hui encore oindre son peuple avec l’huile de la consolation et de l’espérance ». Pour cela, ils doivent éviter et vaincre trois choses :
– la médiocrité spirituelle par la prise au sérieux de la qualité de notre vie de prière. Car celle-ci est le fondement de notre action pastorale ;
– le confort mondain en évitant de profiter de notre rôle pour satisfaire nos besoins et notre confort ;
– la superficialité en se laissant bien former et bien préparer au ministère ordonné et à la vie religieuse et missionnaire tout en sachant que « les gens n’ont pas besoin de fonctionnaires du sacré ni des diplômés à part du peuple. Nous sommes tenus d’entrer au cœur du mystère chrétien, d’en approfondir la doctrine, d’étudier, de méditer la Parole de Dieu ».
Cette visite pastorale de sa sainteté le pape François a ainsi redonné l’espérance au peuple congolais qui se sentait asphyxié par la souffrance et a permis à la RDC d’être entendue sur le plan international.
Par Simon-Pierre KAKIAU KUSUNDULA, SMA.