16 septembre 2023

Homélie du 6e Dimanche Du Temps Ordinaire, A

Homélie du 6e Dimanche Du Temps Ordinaire, A

Si 15, 15-20; Ps 118 (119); 1 Co 2, 6-10 ; Mt 5, 17-37

Piste 1

Régulièrement, dans les médias nous voyons les statistiques généralement croissantes du nombre de vols, agressions ou autres méfaits. Tous ces délits sont commis par des gens qui n’ont de respect ni pour les choses ni les personnes. Ils sont dit-on ‘sans foi ni loi’.

Si malgré les lois et ceux qui doivent les faire respecter nous vivons dans une certaine insécurité, nous ne pouvons imaginer ce qu’il en serait si nous n’avions pas de lois pour nous protéger.  

L’homme naît sauvage, fondamentalement égoïste. Il vit et ramène tout à lui. Ce n’est que petit à petit, par son éducation, parce que ses parents l’obligent à respecter un certain règlement, qu’il devient sociable.

S’il n’y avait pas de loi, la vie serait impossible parce que chaque personne apparaîtrait comme une menace, un danger. Ce sont donc les lois qui nous permettent de vivre en société et d’entretenir avec les autres humains des rapports harmonieux.

Lorsqu’on parle de lois, celles-ci semblent souvent être une atteinte à notre liberté. Et pourtant comme vous le voyez c’est la loi qui nous permet de vivre notre liberté. Sans la loi nous serions toujours en danger, dans la crainte absolue d’être agressé. Sans la loi ce serait la tyrannie du plus fort.

Mais la loi si nécessaire a cependant ses limites, ses déviances. Ainsi par exemple les lois sont souvent utilisées aux profits de ceux qui les font et détiennent le pouvoir. On le voit maintenant dans l’actualité américaine et aussi africaine. Pour asseoir leur pouvoir certains dirigeants font des lois qui déresponsabilisent, infantilisent les subalternes jusqu’à édicter des lois injustes et perverses.  C’est vrai aussi bien au niveau famille que des états et même de l’Eglise. Mais malgré tout la loi reste la condition nécessaire, le passage obligé pour conduire l’homme à son épanouissement.

C’est ce que Jésus veut nous faire comprendre aujourd’hui : « Je ne suis pas venu pour abolir la loi mais pour l’accomplir ».

De quelle loi Jésus parle-t-il ? Il s’agit de la loi d’amour. Et cette loi il vient l’accomplir, c’est-à-dire la vivre non par obligation mais de l’intérieur.

Vivre une loi de l’intérieur, qu’est ce que ça signifie ?

Imaginons la vie d’un couple, d’une famille qui soit exclusivement gérée par la loi. Leur vie deviendrait vite insupportable. En effet, si chacun commençait à tout mesurer et calculer : « moi j’ai fait ma part » « tu as plus que moi », « c’est à ton tour maintenant »…la vie deviendrait un enfer.

La loi d’amour c’est le désir de faire plaisir. La volonté profonde de procurer du bonheur, l’épanouissement de l’autre. L’amour nous fait donc dépasser la loi car il l’accomplit avec le cœur.

Nous avons été longtemps considérés comme des petits enfants à qui il faut tout imposer, défendre avec à la clef la menace d’une sanction : « tu ne peux pas jouer avec les allumettes » « tu ne peux pas traverser la rue », tu dois te taire » « tu dois obéir »… sinon gare !  Et cela…  même dans l’Eglise.

N’est-il pas enfin venu le temps d’être adulte et d’assumer la loi de l’intérieur c’est-à-dire personnellement ?  N’est-il pas enfin venu le temps de ne plus être des enfants, d’oser le risque, de prendre le grand large ?

La loi d’amour n’est donc pas une loi tatillonne qui paralyse mais c’est une loi qui nous invite à nous mettre en route, à sortir de soi, à oser la vie.

N’est-ce pas ce que Jésus nous dit continuellement : « va », relève-toi » « viens dehors » « marche » « avance en eau profonde ».

Accomplir la loi n’est-ce pas aller au-delà de la loi ?  

 

Piste 2

 

L’Evangéliste St. Matthieu nous le savons s’adressait aux 1ères communautés qui étaient composées de juifs convertis au christianisme. Cette conversion leur posait bien des problèmes. S’ils vivaient selon l’Evangile, devaient-ils encore se soumettre à ces innombrables préceptes de la loi juive, aux ordres que les autorités religieuses avaient inventés et imposés au peuple tout au long des siècles ?

Tous ces préceptes et obligations avaient fini par occulter la loi de Dieu c’est-à-dire les 10 commandements. Les juifs étaient tellement noyés dans ces nombreuses prescriptions concernant les sacrifices, les rites, les purifications, la circoncision, l’observance du sabbat, les vêtements, les prières et tant d’autres obligations ou interdits… qu’ils ne savaient plus ce qui venait de Dieu et ce qui venait des hommes.

Matthieu va donc aider ces nouveaux chrétiens à décaper, dépoussiérer tout ça et à retourner à l’original, à l’unique la loi, la loi de Dieu.

Comment alors distinguer ce qui est la loi de Dieu des commandements des hommes ?

C’est très simple : les commandements des hommes globalement ne concernaient que des pratiques dans lesquelles il y avait peu de place pour l’autre, le prochain. Ces observances n’engageaient pas le cœur de l’homme, ce n’était qu’une question de discipline, il suffisait d’obéir aux ordres pour être sauvé. Tout était mérité, rien n’était gratuit, ni spontané, ni personnel.

Tandis que la loi de Dieu est une loi qui ouvre des portes parce qu’elle s’adresse directement au cœur de l’homme. Elle ne concerne pas des choses mais des personnes, tels que le prochain, son père ou sa mère ou son conjoint ou les pauvres…

Le propre de cette loi c’est qu’il n’est pas possible de l’observer parfaitement car dans le domaine des relations, de l’amour, il faut toujours grandir, progresser. Cette loi est donc comme un germe qui doit grandir, un fondement sur lequel il faut construire. En matière de relation il y a toujours moyen d’améliorer, de progresser, on ne peut jamais dire que l’on a fini.

La loi nous dit : « tu ne tueras pas », Jésus nous dit qu’elle est une base minimum à partir de laquelle il y a encore beaucoup de chemin à parcourir avant d’atteindre le respect de l’autre et finalement la délicatesse de l’amour.

Jésus nous fait comprendre que même « se mettre en colère contre son frère » dans une relation d’amour devient quelque chose d’intolérable.

Cette loi, il veut l’accomplir, la porter à son plein épanouissement.

De même la loi dit : « Tu ne commettras pas d’adultère », Jésus lui nous invite à dépasser ce simple contrat juridique pour aller jusqu’au bout dans l’amour conjugal au point de ne plus admettre même la convoitise.

 

La loi est donc une base, un point de départ, elle nous donne la direction, mais tout le chemin reste à faire, c’est à nous de l’inventer. Jésus nous a ouvert une voie, il s’est engagé lui-même en toute liberté. Il a montré que cette loi est une loi de vie, une loi d’amour et en amour on est toujours en reste, rien n’est jamais fini.

 

Père Jacques NOIROT, SMA.