Homélie du 6e Dimanche Du Temps
Ordinaire, A
Si 15, 15-20; Ps 118 (119); 1 Co 2, 6-10 ; Mt 5, 17-37
Piste 1
Régulièrement, dans les médias
nous voyons les statistiques généralement croissantes du nombre de vols,
agressions ou autres méfaits. Tous ces délits sont commis par des gens qui
n’ont de respect ni pour les choses ni les personnes. Ils sont dit-on ‘sans foi
ni loi’.
Si malgré les lois et ceux qui
doivent les faire respecter nous vivons dans une certaine insécurité, nous ne
pouvons imaginer ce qu’il en serait si nous n’avions pas de lois pour nous
protéger.
L’homme naît sauvage,
fondamentalement égoïste. Il vit et ramène tout à lui. Ce n’est que petit à
petit, par son éducation, parce que ses parents l’obligent à respecter un
certain règlement, qu’il devient sociable.
S’il n’y avait pas de loi, la
vie serait impossible parce que chaque personne apparaîtrait comme une menace,
un danger. Ce sont donc les lois qui nous permettent de vivre en société et
d’entretenir avec les autres humains des rapports harmonieux.
Lorsqu’on parle de lois,
celles-ci semblent souvent être une atteinte à notre liberté. Et pourtant comme
vous le voyez c’est la loi qui nous permet de vivre notre liberté. Sans la loi
nous serions toujours en danger, dans la crainte absolue d’être agressé. Sans
la loi ce serait la tyrannie du plus fort.
Mais la loi si nécessaire a
cependant ses limites, ses déviances. Ainsi par exemple les lois sont souvent
utilisées aux profits de ceux qui les font et détiennent le pouvoir. On le voit
maintenant dans l’actualité américaine et aussi africaine. Pour asseoir leur
pouvoir certains dirigeants font des lois qui déresponsabilisent, infantilisent
les subalternes jusqu’à édicter des lois injustes et perverses. C’est vrai aussi bien au niveau famille que
des états et même de l’Eglise. Mais malgré tout la loi reste la condition
nécessaire, le passage obligé pour conduire l’homme à son épanouissement.
C’est ce que Jésus veut nous
faire comprendre aujourd’hui : « Je
ne suis pas venu pour abolir la loi mais pour l’accomplir ».
De quelle loi Jésus
parle-t-il ? Il s’agit de la loi d’amour. Et cette loi il vient
l’accomplir, c’est-à-dire la vivre non par obligation mais de l’intérieur.
Vivre une loi de l’intérieur,
qu’est ce que ça signifie ?
Imaginons la vie d’un couple,
d’une famille qui soit exclusivement gérée par la loi. Leur vie deviendrait
vite insupportable. En effet, si chacun commençait à tout mesurer et
calculer : « moi j’ai fait ma part » « tu as plus que
moi », « c’est à ton tour maintenant »…la vie deviendrait un
enfer.
La loi d’amour c’est le désir
de faire plaisir. La volonté profonde de procurer du bonheur, l’épanouissement
de l’autre. L’amour nous fait donc dépasser la loi car il l’accomplit avec le
cœur.
Nous avons été longtemps
considérés comme des petits enfants à qui il faut tout imposer, défendre avec à
la clef la menace d’une sanction : « tu ne peux pas jouer avec les
allumettes » « tu ne peux pas traverser la rue », tu dois te
taire » « tu dois obéir »… sinon gare ! Et cela… même dans l’Eglise.
N’est-il pas enfin venu le
temps d’être adulte et d’assumer la loi de l’intérieur c’est-à-dire
personnellement ? N’est-il pas
enfin venu le temps de ne plus être des enfants, d’oser le risque, de prendre
le grand large ?
La loi d’amour n’est donc pas
une loi tatillonne qui paralyse mais c’est une loi qui nous invite à nous
mettre en route, à sortir de soi, à oser la vie.
N’est-ce pas ce que Jésus nous
dit continuellement : « va », relève-toi » « viens
dehors » « marche » « avance en eau profonde ».
Accomplir la loi n’est-ce pas
aller au-delà de la loi ?
Piste 2
L’Evangéliste St. Matthieu
nous le savons s’adressait aux 1ères communautés qui étaient composées de juifs
convertis au christianisme. Cette conversion leur posait bien des problèmes.
S’ils vivaient selon l’Evangile, devaient-ils encore se soumettre à ces innombrables
préceptes de la loi juive, aux ordres que les autorités religieuses avaient
inventés et imposés au peuple tout au long des siècles ?
Tous ces préceptes et
obligations avaient fini par occulter la loi de Dieu c’est-à-dire les 10
commandements. Les juifs étaient tellement noyés dans ces nombreuses
prescriptions concernant les sacrifices, les rites, les purifications, la
circoncision, l’observance du sabbat, les vêtements, les prières et tant
d’autres obligations ou interdits… qu’ils ne savaient plus ce qui venait de
Dieu et ce qui venait des hommes.
Matthieu va donc aider ces
nouveaux chrétiens à décaper, dépoussiérer tout ça et à retourner à l’original,
à l’unique la loi, la loi de Dieu.
Comment alors distinguer ce
qui est la loi de Dieu des commandements des hommes ?
C’est très simple : les
commandements des hommes globalement ne concernaient que des pratiques dans
lesquelles il y avait peu de place pour l’autre, le prochain. Ces observances
n’engageaient pas le cœur de l’homme, ce n’était qu’une question de discipline,
il suffisait d’obéir aux ordres pour être sauvé. Tout était mérité, rien
n’était gratuit, ni spontané, ni personnel.
Tandis que la loi de Dieu est
une loi qui ouvre des portes parce qu’elle s’adresse directement au cœur de
l’homme. Elle ne concerne pas des choses mais des personnes, tels que le
prochain, son père ou sa mère ou son conjoint ou les pauvres…
Le propre de cette loi c’est
qu’il n’est pas possible de l’observer parfaitement car dans le domaine des
relations, de l’amour, il faut toujours grandir, progresser. Cette loi est donc
comme un germe qui doit grandir, un fondement sur lequel il faut construire. En
matière de relation il y a toujours moyen d’améliorer, de progresser, on ne
peut jamais dire que l’on a fini.
La loi nous dit :
« tu ne tueras pas », Jésus nous dit qu’elle est une base minimum à
partir de laquelle il y a encore beaucoup de chemin à parcourir avant
d’atteindre le respect de l’autre et finalement la délicatesse de l’amour.
Jésus nous fait comprendre que
même « se mettre en colère contre son frère » dans une relation
d’amour devient quelque chose d’intolérable.
Cette loi, il veut
l’accomplir, la porter à son plein épanouissement.
De même la loi dit :
« Tu ne commettras pas d’adultère », Jésus lui nous invite à dépasser
ce simple contrat juridique pour aller jusqu’au bout dans l’amour conjugal au
point de ne plus admettre même la convoitise.
La loi est donc une base, un
point de départ, elle nous donne la direction, mais tout le chemin reste à
faire, c’est à nous de l’inventer. Jésus nous a ouvert une voie, il s’est
engagé lui-même en toute liberté. Il a montré que cette loi est une loi de vie,
une loi d’amour et en amour on est toujours en reste, rien n’est jamais fini.
Père Jacques NOIROT,
SMA.